Il est un peu étrange pour moi d’écrire cet article, un texte qui marque à la fois une célébration et une conclusion. Bizarre, parce qu’il n’est jamais facile de dire au revoir à un projet qui m’a accompagné pendant tant d’années. Pourtant, je le fais avec beaucoup de fierté. Fierté d’avoir créé Buzz Fortin, un espace qui m’a permis de m’exprimer, d’explorer, et de contribuer à la scène culturelle franco-ontarienne. Et aussi fierté, parce que ce moment de transition est le signe d’une évolution personnelle. Après tout, mettre fin à un chapitre ne signifie pas la fin de l’aventure, mais bien le début d’un nouveau voyage.
Cela fait maintenant plus de 20 ans que je baigne dans la création de contenu et le milieu culturel franco-ontarien. Cette année marque aussi le 10e anniversaire de Buzz Fortin, un projet qui s’éteindra avec ses dernières chandelles.
En 2014, à la suite d’une campagne électorale pour laquelle j’avais conçu un site web, j’ai décidé de ne pas laisser ce travail se perdre et de lui donner une nouvelle vie. C’est ainsi qu’est né Buzz Fortin, un projet mêlant humour et actualités culturelles franco-ontariennes. Inspiré par des plateformes comme BuzzFeed, j’avais l’idée d’en faire un magazine collectif avec plusieurs collaborateurs, mais très vite, Buzz Fortin est devenu synonyme de ma propre voix. Ce qui était initialement un nom de site est devenu mon alter ego.
À travers les années, le site a évolué, parfois vibrant d’une activité intense, parfois traversant des périodes de calme. Financé uniquement par mes propres moyens et soutenu par ma passion, il m’a permis d’explorer des idées et de les concrétiser à travers des projets créatifs et audacieux. Ce projet m’a ouvert des portes, tant sur le plan professionnel que personnel, mais il a surtout été un espace pour exprimer ma vision de la culture franco-ontarienne.
Au fil des années, Buzz Fortin a été un des rares, sinon le seul, média indépendant à se concentrer sur l’actualité culturelle franco-ontarienne. Avec un mélange de spontanéité et de rigueur, il a su capter l’attention et, à sa manière, contribuer à une meilleure visibilité de notre communauté.
Mais comme tout projet, celui-ci a eu son lot de défis. La création de contenu, surtout en milieu indépendant, demande du temps, de l’énergie, et une motivation inébranlable. Après 10 ans d’aventure, de reportages, d’interviews, de collaborations et de moments marquants, je sens qu’il est temps pour moi de clore ce chapitre. Non pas par désintérêt, mais parce que la vie m’amène à évoluer vers de nouveaux horizons, de nouvelles passions.
Un hommage aux moments mémorables
Les premières collaborations
Je me souviens avec reconnaissance de mes premiers collaborateurs, qui ont contribué à faire de Buzz Fortin une plateforme riche et diversifiée. Phil Larrivière, par exemple, a rejoint l’aventure en 2017 et a rapidement apporté une touche musicale unique en compilant des playlists thématiques. Son travail a ajouté une nouvelle dimension à notre contenu, en introduisant des découvertes musicales.
Puis il y a eu Amélie Trottier, avec qui j’ai eu la chance de couvrir en direct la Journée des Franco-Ontariens. Son énergie débordante et sa perspective vibrante ont rehaussé la qualité de nos critiques culturelles, apportant un regard frais et pertinent sur les événements et la scène culturelle franco-ontarienne.
Ces premières collaborations ont été marquantes, non seulement pour l’évolution de Buzz Fortin, mais aussi pour moi sur le plan personnel. Elles ont prouvé que ce projet pouvait rassembler des talents variés et créer des contenus qui résonnent avec notre communauté. Elles représentent aussi les fondations sur lesquelles Buzz Fortin s’est construit et a prospéré au fil des années.
Les Sessions Buzz Fortin
L’un de mes rêves était de créer une émission de télévision 100 % web. Ce rêve est devenu réalité avec Les Sessions Buzz Fortin en 2017. Pendant cinq épisodes diffusés en direct sur Facebook, nous avons offert aux auditeurs des rencontres humaines avec des artistes locaux. Avec une équipe bénévole et un budget inexistant, ces sessions ont rejoint des milliers de personnes, et deux ans plus tard, elles ont même valu des nominations au Gala des Prix Trille Or.
Je tiens à exprimer ma profonde gratitude envers tous les artistes qui ont accepté de venir performer gratuitement : Kimya, Marie-Clo, Joly, Céleste Lévis et Moonfruits. Leur générosité a été le cœur de ces sessions.
Un grand merci également à mon équipe dévouée : Philippe Larivière Durocher pour son aiguilleur et graphisme, Anik Charest St-Denis en tant que gestionnaire de communauté, et Stéphane Lalonde pour son travail en tant que caméraman. Sans leur investissement et leur passion, Les Sessions Buzz Fortin n’auraient pas eu le même impact.
Les Galas
Couvrir l’entrée des artistes du Gala des Oliviers en 2017 et 2018 a été un moment phare de Buzz Fortin. Imaginez un blogueur francophone d’Ottawa, arrivant en coulisse avec son iPhone et quelques accessoires, mais bénéficiant de l’acceptation des autres médias. Ma passion pour le milieu de l’humour a trouvé une résonance particulière lors de ces événements. Rencontrer des humoristes que j’admire et échanger avec eux, c’était un rêve devenu réalité. J’avais contacté la firme de communication pour obtenir mon accréditation, et je me sentais absolument à ma place. Buzz Fortin m’a permis d’être considéré au même titre que d’autres grands médias lors de l’entrée des artistes, renforçant ainsi ma place dans cet univers que j’affectionne tant.
J’ai eu la chance d’interviewer les humoristes à la suite de la réception de leurs statuettes, ce qui m’a offert l’opportunité de capter des moments authentiques et de partager leurs réflexions.
À travers les années, j’ai aussi eu le privilège de couvrir les tapis rouges des Galas Trille Or, qui vise à reconnaître l’excellence artistique dans la francophonie canadienne. J’ai eu l’honneur de co-animer avec Mathilde Hountchégnon, une rencontre marquante de mon parcours à TV Rogers.
La Convo
En 2018, j’ai créé La Convo, une série d’entretiens avec des personnalités que j’apprécie. À cette époque, il n’y avait pas beaucoup de balados de ce genre. Parmi mes invités, j’ai eu le plaisir de recevoir Louis-Philippe Dion, un personnage qu’on voyait rarement sous les projecteurs, mais qui se tenait toujours en coulisse, derrière de nombreux projets. Il a toujours été là pour m’encourager et contribuer avec des idées précieuses. Lorsque j’ai lancé ce projet, il était évident qu’il méritait sa place et que son parcours devait être reconnu. Malheureusement, LP nous a quittés, et il m’arrive souvent de me poser la question : que penserait-il de certaines situations aujourd’hui ?
Le RireFest : Un tremplin pour la relève humoristique
En 2019, j’ai lancé le RireFest, un festival d’humour en Ontario visant à promouvoir les humoristes émergents de la région. Pendant six soirées, des artistes locaux et de la relève ont performé à guichets fermés dans des lieux intimistes de l’Est ontarien. Ce projet a comblé un manque de scènes pour la relève tout en permettant au public de découvrir des talents nouveaux. Bien que le RireFest n’ait eu qu’une seule édition, il a démontré l’engouement pour l’humour local et a renforcé mon engagement à soutenir la scène artistique régionale.
La mise en demeure
En 2021, je suis tombé sur une story Instagram d’une jeune artiste qui s’exprimait sur le fait qu’un artiste bien connu, avec qui elle avait eu des échanges, s’était potentiellement inspiré d’une démo qu’elle lui avait envoyée pour créer son plus récent hit radio. Trouvant cette histoire suffisamment pertinente, j’ai décidé de rédiger un article pour relayer cette situation. Pour que notre milieu soit pris au sérieux, il est essentiel de ne pas se contenter de décrire les beaux côtés, mais aussi d’aborder les aspects moins glorieux.
Je n’imaginais pas que cet article prendrait un tel virage. Je ne m’attendais pas à recevoir une mise en demeure suite à sa publication. Je vais épargner les détails, mais après la diffusion de l’article, j’ai reçu de nombreux messages, certains en lien avec cette histoire, d’autres révélant des cas similaires impliquant des artistes complètement différents. Mon objectif en publiant cet article était de faire la même chose que lorsque je couvrais des événements : relayer l’information sans nécessairement prendre position ou dénoncer. Je me suis dit que si nous voulons créer un star système, cela doit inclure les deux côtés de la médaille.
Bien que je reste vague sur certains détails, l’article en question démontre les échanges avec les avocats. Sans aucun doute, cet événement m’a marqué, et je crois que la leçon tirée de cette expérience est éclairante pour plusieurs raisons. Elle nous permet de constater que dans les coulisses, tout n’est pas toujours rose, et qu’un petit blogue comme Buzz Fortin, lorsqu’il est fait dans les règles du jeu, est protégé par la loi et a sa place dans la diffusion d’informations. C’était une grande leçon pour moi. Cependant, ma conclusion est que notre milieu franco-ontarien n’est pas encore prêt pour une telle tempête. C’est un environnement trop petit et fragile.
Pandémie et collaboration
La pandémie de COVID-19 a durement frappé le milieu culturel, mettant à l’épreuve la résilience de nombreux artistes et professionnels. Au cœur de ce grand défi, j’ai eu la chance de collaborer avec Réseau Ontario pour produire saisons du balado Écoutez, même de loin! Ce projet avait pour objectif de mettre en lumière les artistes participant à l’événement Contact Ontarois, offrant ainsi une plateforme pour partager leur talent et leurs histoires dans un contexte où les interactions en personne étaient limitées. Grâce à cette initiative, nous avons pu maintenir le lien avec le public et soutenir la scène artistique, même à distance. C’était une belle façon de célébrer la créativité et de rappeler que, même en période d’incertitude, la culture continue de jouer un rôle essentiel dans nos vies.
De Buzz Fortin à Buzz Junior et maintenant Buzz Mini
Ma passion pour ce type de projet a non seulement enrichi ma propre expérience, mais a également eu un impact significatif sur mes enfants. Avec mes fils, nous avons lancé le balado Buzz Junior, où nous avons eu l’opportunité de produire plusieurs épisodes captivants. Ce fut une expérience précieuse pour eux, leur permettant d’apprendre les rouages de la création d’un balado, d’organiser le contenu de manière cohérente, et de développer leur aisance à s’exprimer devant le micro.
Au cours des trois dernières années, ma fille, désormais connue sous le nom de Buzz Mini, s’est lancée dans l’animation de vidéos qui sont diffusées sur sa propre chaîne YouTube. Cela me permet de poursuivre cette aventure créative en famille, tout en partageant des moments inoubliables et enrichissants avec mes enfants. Ensemble, nous cultivons notre passion pour les médias et la créativité, tout en renforçant nos liens familiaux à travers cette exploration artistique.
Une fin, mais pas un adieu
Après ces années de création, il est maintenant temps de dire au revoir à Buzz Fortin. C’est un adieu rempli de gratitude pour ce projet qui m’a permis de contribuer, à ma manière, à la scène culturelle franco-ontarienne. J’ai exploré, créé et partagé des moments inoubliables avec une communauté qui me tient à cœur.
Aujourd’hui, mes intérêts et mes passions évoluent, tout comme le milieu culturel autour de nous. Bien que ce soit la fin de Buzz Fortin, ce n’est qu’une étape dans mon parcours créatif. Je remercie toutes celles et ceux qui m’ont soutenu au fil des années, ainsi que les artistes et collaborateurs qui ont cru en ce projet. Grâce à vous, Buzz Fortin a pu résonner pendant une décennie.
C’est avec un mélange de nostalgie et d’enthousiasme pour l’avenir que je signe ce dernier article. Merci pour tout.
Mathieu « Buzz »Fortin